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Accompagner l'âge des coliques du nourrisson | Ostéopathie et prise en charge interdisciplinaire


Il y a dans l'accueil d'un bébé et dans le devenir mère, et le devenir père, des bouleversements qui viennent parfois mettre en difficulté le couple parental. La naissance de l'enfant marque le deuil du « bébé imaginé / imaginaire », laissant place à la rencontre avec le bébé réel.


La naissance d'un enfant provoque, malgré elle, un remaniement des places sociales et générationnelles (le bébé fait naitre avec lui des parents, des grands-parents, un grand frère, une grande sœur, etc.) Ces métamorphoses (S. Missonnier) [1], peuvent devenir de véritables crises pour les parents lorsque les événements viennent les déborder psychiquement.



Sommaire







Les pleurs prolongés chez le bébé en bonne santé

Le diagnostic médical des « coliques du nourrisson » est un syndrome comportemental. Il est communément décrit comme de « longues périodes de pleurs difficiles à apaiser ». Ce sont des bébés qui ont soudain le visage rouge, les poings serrés, ils sont agités / ont l'air irritables, se tortillent et leurs pleurs semblent commencer et s'arrêter sans raison évidente. La clinique nous montre que c'est l'agitation (qui rend plus difficile un portage contenant) et l'impossibilité à calmer l'enfant qui affectent le plus les parents, au-delà des pleurs [2].


Chez les nourrissons, ces « coliques » ne désignent pas une pathologie gastro-intestinale et ne présagent pas un quelconque dysfonctionnement futur, ni digestif, ni psychomoteur ou comportemental. Le fonctionnement physiopathologique des coliques du nourrisson est difficile à identifier. Le plus souvent la piste d'explication est l'immaturité du système digestif et du système nerveux entérique (c'est le « cerveau du tube digestif »).


C'est dans une période de vie bien précise qu'apparaissent les « coliques du nourrissons », c'est pourquoi on parle préférentiellement d'un « âge des coliques ». Statistiquement, elles démarrent au premier mois (quelques fois plus tôt, vers 15 jours) et sont au plus fort vers la sixième ou huitième semaine de vie. Elles s'interrompent spontanément vers le quatrième - cinquième mois de vie.


Au pic de la sixième semaine, les coliques sont fréquentes puisqu'elles concernent 17 à 25 % des nourrissons, dans les pays industrialisés [3]. Des études (qui mériteraient d'être menées à nouveau et sur un plus grand nombre, néanmoins très intéressantes) nous apprennent que les nourrissons nés prématurés présentent également un pic de pleurs de coliques à six semaines âge corrigé (c'est-à-dire la sixième semaine après la date théorique du terme). Cela signifie et nous permettrait d'avancer l'hypothèse que le pic de pleurs ne serait donc pas « dû à une expérience postnatale, mais plutôt à un phénomène de maturation développementale » [4]. Autrement dit, les pleurs du nourrissons seraient, entre autres, une expérience relationnelle importante et participeraient au développement psycho-social de l'enfant.


Il n'a jamais été démontré scientifiquement que les coliques du nourrisson correspondent à une douleur ressentie, malgré les apparences. D'ailleurs, ces crises ne sont pas calmées par les antalgiques (les médicaments qui traitent la douleur) [5].

Source : www.parents.reseau-naissance.fr

La « règle des 3 » de Wessel, c'est-à-dire que le bébé pleure plus de 3 heures par jour, plus de trois jours par semaine et que cela dure plus d’une semaine, n'est plus tellement d'actualité [2]. Les critères diagnostiques se font surtout sur la narration du vécu parental : ce sont des pleurs vécus comme excessifs, et ce dans le cadre d'un développement normal d'un enfant (courbe de croissance satisfaisante).


Ces pleurs surviennent fréquemment en fin d'après-midi ou le soir. Ce moment de la journée correspond au pic de sécrétion de cortisol chez le nouveau-né. C'est une hormone (des glandes surrénales) qui accroit l'état d'éveil et d'agitation. Le pic de sécrétion se situe vers 17-18h ou est parfois en correspondance avec l'heure de naissance. Cette petite hormone conditionne aussi la réponse physiologique du stress chez le nouveau-né comme chez l'adulte [6].



Quand faut-il s'inquiéter ?

Les signaux d'alerte :

- Quand votre enfant a de la fièvre (appelez le 15).

- Si votre bébé a reçu un choc sur la tête, si il est tombé (appelez le 15).

- Si les crises s'accompagnent de vomissements (appelez le 15).

- Anomalies de la courbe de poids (c'est plutôt le médecin pédiatre qui s'en aperçoit lors de la pesée).


- Quand ce sont les parents qui pleurent (parents extenués, épuisés, voire déprimés).


Alors qu'un ras-le-bol chez les parents est tout à fait normal, si vous êtes à bout ne restez pas seuls et parlez-en. Ne jamais secouer un bébé qui n'en finit pas de pleurer. Si vous n'en pouvez plus, passez la main ou posez votre enfant dans son lit sur le dos, il ne lui arrivera rien.

* Le moindre doute peut justifier une demande d'avis médical. Encore une fois, ne restez pas seuls devant une situation qui vous inquiète excessivement, parlez-en à votre médecin.



« Maman, dis-moi pourquoi je pleure ? »

Etymologiquement, le terme enfant vient de infans composé de in- (privatif) et -fans (le verbe parler), c'est « celui qui ne parle pas », qui n'a pas la parole. Le nourrisson n'a pas encore acquis le langage au sens strict, il communique alors avec son entourage sur un plan dit infraverbal ou préverbal. Les pleurs de bébé sont autant de messages adressés à son entourage. La voie du corps est son unique mode d'expression.


Tous les bébés pleurent et c'est normal. Les pleurs de bébé c'est sa « langue maternelle ». Ce ne sont pas des caprices.

La clinique de la périnatalité est une clinique éminemment psychosomatique (où les systèmes émotionnel et corporel sont intimement liés). Autrement dit, le langage des nourrissons (et donc toutes ses modalités relationnelles) est un langage exclusivement corporel : ce sont les pleurs, les cris, les mouvements généraux du bébé (ces petits gestes harmonieux des mains et des pieds des bébés en éveil), les sourires et grimaces, les bruits digestifs en tout genre, etc.


Si les pleurs sont un message adressé il n'en est pas moins énigmatique et il arrive souvent, parents ou soignants, que nous n'ayons pas toujours de quoi le décoder.


Les études récentes et théories actuelles qui suggèrent d'accueillir les pleurs de coliques du nourrisson comme « syndrome comportemental » ou « expérience relationnelle importante » viennent appuyer les théories de la psychologie du développement ou d'approche psychanalytique ou cognitiviste de l'intersubjectivité dans la dyade mère-enfant. Qu'est-ce que cela signifie ? Que le nouveau-né humain a d'importants besoins dans sa maturation émotionnelle et affective, notamment recevoir de la part de sa mère et son père une forte attention dans les premiers mois et surtout une bonne adaptation à ses rythmes de vie [7].


Les pleurs de bébé sont un cri adressé à son environnement : « Maman, dis-moi pourquoi je pleure ? » (B. Golse) [8]. C'est ainsi qu'il construit son lien d'attachement (J. Bowlby) [9]. Alors que pendant son voyage in utero tous les besoins du fœtus étaient directement satisfaits par le corps maternel (nourrit par le cordon ombilical), à la naissance le nouveau-né découvre qu'il faut demander pour être nourrit, il faut demander pour être changé, s'endormir, se réveiller, être consolé, pris dans les bras, etc. Les pleurs viennent attracter ce lien fort parent-bébé.


Un parent imparfait, c'est ce que D. W. Winnicott désignait comme good enough ("suffisamment bon"). Autrement dit c'est un environnement parental qu'il définit comme ni trop-ni trop peu, ou alors à la fois bon et mauvais, avec suffisance et insuffisance [10,11]. Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est pouvoir être dans une juste mesure dans la compréhension des rythmes de bébé mais surtout : avoir droit à l'erreur. En d'autres mots, c'est l'idée que tous les parents font des erreurs, de compréhension de leur bébé, de réponse à ses besoins, etc., et c'est normal. Mais c'est aussi cela, et bien sûr dans une certaine mesure, qui permet à l'enfant d'acquérir une maturation progressive, d'une capacité d'adaptation, d'autonomisation, d'accès au sentiment d'altérité, etc.


La consultation chez l'ostéopathe

La consultation ostéopathique peut permettre d'accompagner les coliques du nourrisson [12], elle est aussi un espace d'écoute et permet aux parents d'exprimer leurs questions et/ou inquiétudes. En pratique, l'ostéopathe va s'appliquer à proposer des mobilisations de certaines zones du corps de votre bébé, en douceur, afin de calmer d'éventuelles tensions (liées à l'accouchement ou bien à la position in utero du fœtus/bébé par exemple). Votre ostéopathe est aussi là pour vous donner des conseils comme par exemple les massages des bébés, des conseils de portage, etc.


Une prise en charge ostéopathique en périnatalité n'est jamais, ou en tout cas ne doit jamais être, isolée du système médical. Le traitement ostéopathique est complémentaire et entre dans une prise en charge pluridisciplinaire, voire interdisciplinaire (prise en charge à la fois multiple et soucieuse d'une communication interprofessionnelle). Ici, au centre Émanéa Croix-Rousse, nous travaillons en équipe (constituée de médecins spécialisées en pédiatrie et gynécologie, médecin allergologue, sages-femmes, psychomotricienne, ostéopathe).



Télécharger une plaquette informative sur les pleurs du bébé en bonne santé :




Sources bibliographiques :

[1] : Missonnier, Sylvain. Clinique des métamorphoses. Érès, 2020

[2] : www.gfhgnp.org /recommandations -et-documents/coliques-du-nourrisson/

[3] : Wolke D, Bilgin A, Samara M. Systematic Review and Meta-Analysis: Fussing and Crying Durations and Prevalence of Colic in Infants. J Pediatr. 2017. [4] : Barr, Ronald G. « Les pleurs et leur importance pour le développement psychosocial des enfants », Devenir, vol. 22, no. 2, 2010, pp. 163-174. [5] : Biagioli E, Tarasco V, Lingua C, Moja L, Savino F. Pain-relieving agents for infantile colic. Cochrane Database Syst Rev. 2016 Sep 16;9(9).

[6] : Namer, Valérie. « Aspects hormonaux du post-partum et ostéopathie », Spirale, vol. 86, no. 2, 2018, pp. 33-40.

[7] : Ciccone, Albert. « Partage d’affects et naissance de la pensée », Journal de la psychanalyse de l'enfant, vol. 12, no. 1, 2022, pp. 77-91.

[8] : Golse, B. « Postface. « Maman, dis-moi pourquoi je pleure ? » ou de l'indice au signe : l'importance du travail psychique d'autrui ». Bébé, dis-moi pourquoi tu pleures. sous la direction de Israël Jacky. Érès, 2011, pp. 379-389.

[9] : John Bowlby, Attachement et Perte. L’Attachement vol. 1 (1968), La Séparation. Angoisse et colère vol. 2 (1973), La Perte. Tristesse et dépression vol. 3 (1980), Paris, Puf, 1978, 1978, 1984.

[10] : Donald W. Winnicott, The good-enough mother, 1953

[11] : Donald W. Winnicott, Playing and reality, 1971.

[12] : Tanrıverdi DÇ, Karaahmet AY, Bilgiç FŞ. Colic and sleep outcomes of nonpharmacological intervention in infants with infantile colic: systematic review and metaanalysis. Rev Assoc Med Bras (1992). 2023 May 19;69(5):e20230071.


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